UN PEU D'HISTOIRE

Technologie utilisée en physiothérapie surtout dans les années 1980, au travers des Low Level Laser Therapy (classe 3 – Puissance < 500mW), cette thérapie était surtout utilisée surtout pour ses vertus cicatrisantes, antalgiques et anti-inflammatoires.
On a ensuite assisté à une disparition progressive du fait de brûlures, de problème de dosage et de temps de traitement trop longs, incompatibles avec la durée classique d’une séance de kinésithérapie.

Dans les années 2000, la thérapie laser réapparaît, mais avec des appareils de haute puissance (classe 4 -puissance de 5 à 35W) avec toujours comme effets principaux l’antalgie, mais aussi une grande amélioration des possibilités de biostimulation et de néovascularisation.

 

LES EFFETS DU LASER THERMIQUE

Le mode d’action de la thérapie laser est triple : antalgie, action anti-inflammatoire et cicatrisation tissulaire.(Fig. 1 )

L’antalgie

On gère la douleur de façon indirecte par la diminution de l’inflammation et de l’oedème, et on agit directement sur les mécanismes de la douleur.
Par le mécanisme de transduction, la lumière laser augmente le potentiel d’action des nocicepteurs, rendant leur dépolarisation plus difficile (Tsuchiya et al., 1994).
Par le mécanisme de transmission, l’irradiation laser diminue la vitesse de conduction des nerfs afférents périphériques, retardant ainsi sa transmission à la corne postérieure de la moëlle (Snyder-Mackler et Bork, 1988 ; Cambier et al., 2000). Au niveau médullaire, on observe une diminution du relargage de la substance P dans les synapses, et une baisse de la transmission du signal synaptique (Chow et al., 2010 ; Poitte, 2013c).
Par le mécanisme de modulation, l’irradiation laser stimule et augmente la sécrétion d’endorphines (Laasko et al., 1994 ; Hagiwara et al., 2008).

On obtient aussi un effet Gate Control : la stimulation laser, via les neurones Aβ, inhibe la transmission douloureuse des neurones Aδ and C au niveau de la corne postérieure de la moëlle épinière (Azizi et al., 2007 ; Laasko, 2008 ; Poitte, 2013).

L’action anti-inflammatoire

La thérapie laser réduit le niveau des protéines inflammatoires et des cellules ploynucléaires au niveau du site de la lésion (Boschi et al., 2008 ; Cressoni et al., 2008 ; Ma et al., 2012 ; Pallotta et al., 2012) et stimule l’activité de phagocytose des cellules neutrophiles et des macrophages (Poitte, 2013).
On observe une réduction de la concentration des cytokines pro-inflammatoires comme l’interleukine 1 et 6, TNFα (Boschi et al., 2008 ; Ma et al., 2012 ; Pallotta et al., 2012) et un effet sur les médiateurs de l’inflammation comme la bradykinine (Chow et al., 2010).
La thérapie laser a un effet sur la synthèse des prostaglandines (Castano et al., 2007 ; Pallotta et al., 2012) et sur les cytokines, les chemokines et les hormones de croissance (Abiko 2008, T&H).

Enfin, on observe la sécrétion et le relargage dans l’organisme d’oxyde nitrique (Vladimirov et al., 2004 ; Zhang et al., 2009 ; Chung et Dai, 2011), qui augmente la microcirculation et la vasodilatation, permettant la réduction de l’oedème et l’élimimination des déchets (Poitte, 2013).

La cicatrisation tissulaire par biostimulation

La thérapie laser a un effet positif sur les 3 phases de la réparation tissulaire : inflammatoire, prolifération et remodelage. Une partie des cellules mitochondriales a la capacité d’absorber une longueur d’onde spécifique de l’émission et de permettre la libération d’autres substances (NO, cytokinines, facteurs de croissance).
La thérapie laser augmente la sécrétion d’ATP et le niveau de métabolisme cellulaire, permettant de stimuler la régénération et donc la guérison tissulaires.

Les études montrent aussi une augmentation de l’activité fibroblastique, de la sécrétion de collagène et de la néoangiogénése due à la prolifération cellulaire endothéliale du tissu affecté [Prouza].
L’effet thermique permet de stimuler la microcirculation et la synthèse.

AVANT DE COMMENCER LE TRAITEMENT...

Il y a une grande variabilité de l’énergie apportée en fonction du type de tissu à traiter, de son état physiologique et surtout hydrique, de la pigmentation, du stade lésionnel et des conditions d’application.
On mettra moins d’énergie sur des pathologies aiguës et en début de traitement.
L’intensité sera plus haute en algie et basse en phase de cicatrisation.
On travaillera en basse intensité et le temps de traitement sera plus long pour les phénomènes inflammatoires (Tuner et Hode 1821, 1840).

Les précautions d’emploi indispensables

  • Adapter toujours la puissance, le mode d’émission et l’énergie apportés au patient, à sa pathologie (aïgue ou chronique) et à son stade lésionnel ;
  • Tenir compte de l’âge du patient, pour l’hydratation des tissus, et de son type de peau (clair ou foncé, quantité de mélanine) ;
  • Porter systématiquement les lunettes de protection (kinésithérapeute et patient) ;
  • Ne pas regarder directement à l’intérieur de la sonde en émission ;
  • Attention aux objets réfléchissants à proximité de la zone de traitement ;
  • Si possible, isoler la zone de traitement ou travailler dans une pièce individuelle ;
  • Évaluer la sensibilité thermique et nerveuse du patient, et adapter la puissance et le mode d’émission ;
  • Prudence pour éviter d’éventuelles altérations dermatologiques (grains de beauté ou naevus, lipome, brûlures, coups de soleil) ainsi que sur les tatouages, en fonction de la couleur (sur le noir et le rouge, la pénétration tissulaire est plus importante).

 

DOSAGE ET ÉTUDES

Les doses recommandées par la Walt (World Association for Laser Therapy, 2010) doivent être comprises entre 4 and 16 J/cm² pour la plupart des indications en fonction de l’état lésionnel et de la localisation.
Tuner et Hode (The New Laser Therapy Handbook, 2010) proposent des dosages entre 0.5 J/cm² pour les plaies ouvertes superficielles et 4 J/cm² pour les douleurs superficielles et 10 J/cm² pour les douleurs profondes.
Bjordal et al. propose des dosages entre 0.7 et 42 J/cm² pour les tendinopathies (2001) et entre 0.5 et 160 J/cm² pour les pathologies ostéo-articulaires (2003). Tumilty et al (2010) propose des dosages entre 1.8 et 19.2 J/cm² pour les lésions tendineuses en fonction de leur localisation.

Principales indications (Fig. 2)

  • Pathologies musculo-squelettiques de type entorses, arthropathies, arthrose, lésions musculaires, bursites, oedème ;
  • Pathologies inflammatoires ;
  • Algies neuro-musculaires.

[caption id="attachment_233" align="aligncenter" width="528"] Fig.2 : Principales indications pour une thérapie laser[/caption]

Les contre-indications

  • Processus tumoral
  • La grossesse
  • Les zones cutanées photo-sensibles
  • Les zones infectées
  • L’épilepsie
  • Les troubles thromboemboliques ou hémorragiques
  • Les territoires nerveux sympathiques et parasympathiques
  • La sphère cardiaque
  • Patients avec des troubles de d’hypo- ou d’anesthésie cutanée et de discrimination thermique.

 

PROTOCOLE DE TRAITEMENT

L’usage invite à effectuer un balayage lent de la zone complète dans tous les modes de traitement : continu ou pulsé.
Il convient de ne pas stimuler uniquement la zone douloureuse mais également la chaîne complète, selon plusieurs programmes successifs :

  • Racines cervicales : antalgique stochastique I, mode pulsé ;
  • Trigger points : stochastique II, mode pulsé ;
  • Muscle, tendon, ligament, articulation ou zone cible : continu, pulsé ou anti-inflammatoire.
    L’application se fera suivant 2 techniques, l’une en ponctuel sur les douleurs myo-fasciales, zones de projection dermique, zones de lésion, et l’autre en balayage pour la biostimulation.

Traitements locaux en ponctuel

On emploie la technique circulaire (Fig. 3), par exemple pour un traitement antalgique ou sur les trigger points. Cette technique nécessite la recherche
des points les plus douloureux. On démarre la spirale à 2 à 3 cm du point le plus sensible. On termine en statique 3 secondes sur le TP, puis on recommence.
Des études montrent que la dose recommandée est de 50 à 600 J/TP, 1 à 3 minutes par TP.

[caption id="attachment_234" align="aligncenter" width="300"] Fig.3 : Balayage circulaire[/caption]

Application en balayage

Pour la bio-stimulation, pour obtenir une néovascularisation et un effet anti-inflammatoire, on effectue un quadrillage (Fig. 4 – application croisée). La sonde doit être perpendiculaire à la peau.
La vitesse de déplacement recommandée est de 2 à 3 cm/sec. Surtout pas d’application statique en mode continu !
Il est possible d’associer la thérapie laser à une mobilisation passive ou active en même temps.

[caption id="attachment_235" align="aligncenter" width="300"] Fig. 4 : Balayage en quadrillage[/caption]

FIg. 5 : Biostimulation sur une pathologie d'épaule. Balayage en quadrillage

Fig.6 : Traitement des trigger points de l'élévateur de la scapula.

Fif.7 : Traitement d'une tendinopathie rotulienne, le kinésithérapeute travaille directement sur le tendon rotulien.

Fig.8 : Biostimulation du ligament collatéral médial du genou.

Fig.9 : Traitement pulsé des trigger points du ligament collatéral médial du genou (insertion haute).

Fig.10 : Modélisation du traitement d'une tendinopathie rotulienne (hoffite) par biostimulation.

Fig.11 : Traitement anti-inflammatoire de la capsule antérieure de cheville.

 

LA POSOLOGIE

Elle est à adapter en fonction de l’effet recherché.

  • Antalgie : 2 à 5 fois par semaine sur émergences, dermatomes et points douloureux ;
  • Anti-inflammatoire : 3 à 5 fois par semaine sur oedème et congestion tissulaire ;
  • Biostimulation : 2 à 3 fois par semaine pour ne pas hyperactiver.

 

CONCLUSION

La thérapie laser peut être utilisée seule ou en couplage avec d’autres agents physiques.
Il est important de savoir tirer le maximum de potentiel des ondes électromagnétiques, lumineuses, mécaniques ou électriques.
Utilisée seule, la thérapie laser permet d’obtenir un effet antalgique, de favoriser la vascularisation et la biostimulation. Utilisée avec les ondes de choc radiales, elle permet d’obtenir un effet défibrosant.
Avec les ondes courtes (Tecar), elle favorise la vascularisation. Couplée avec l’électrothérapie (électrostimulation) pour favoriser le recrutement musculaire, elle suscite un effet antalgique.
Elle présente l’avantage de pouvoir être utilisée sur des pathologies où les ondes de choc radiales seraient contre-indiquées. Dans ce cadre, elle est particulièrement bénéfique.
C’est une technique particulièrement dépendante du kinésithérapeute et de sa pratique.
Le couplage permet le main libre après l’utilisation du laser, plus sélectif en terme d’antalgie et de biostimulation (tendinopathies fissuraires HPLT et fibreuses ODCR).
Il s’agit d’un outil polyvalent et performant, qui peut s’utiliser à tous les stades de cicatrisation tissulaire, sur des pathologies aiguës ou chroniques. Sa facilité de mise en œuvre et son faible poids permettent également de l’emporter en déplacement, par exemple pour les kinésithérapeutes qui suivent une équipe sportive.

Pour plus d’informations sur cette solution thérapeutique, découvrez en vidéo sur les intérêts du Laser Haute Puissance Chattanooga en rééducation ICI

Auteur :  Jérôme PIQUET, Kinésithérapeute libéral (Tours), spécialiste Laser

Rédaction: Sophie CONRAD – rédactrice Kiné Actu