PODCAST prise en charge de la douleur chez le patient drépanocytaire avec la TENS

Entretien avec la DR. Jill Serre, médecin oncologue et hématologue pédiatrique et Marie-France Coenen Charon, infirmière ressource douleur au CHRU de Tours. Elles nous font l'honneur de partager leur pratique quotidienne de la TENS.

C’est au micro de Caroline Bindel (journaliste) qu'elles répondent à nos questions !

Pour écouter notre podcast : https://youtu.be/ZSdW2MLfIH8

Pour plus de renseignements : www.cefartens.fr 

Bonjour, 

Merci d'être à notre micro aujourd'hui. Nous allons mettre en lumière la prise en charge de la douleur chez le patient drépanocytaire via la TENS. 

Jill : Nous sommes sur le site purement pédiatrique du CHRU en plein centre-ville de Tours. Toutes les spécialités pédiatriques sont prises en charge et nous avons une action régionale du Centre-Val de Loire. 

Je suis médecin, au sein du service des hématologue pédiatrique et notamment médecin coordinateur du centre de compétence des maladies rares du globule rouge. 

Je travaille avec :

  • un autre médecin,
  • une psychologue,
  • une assistante sociale,
  • une institutrice
  • et une infirmière dédiée

Cela permet d'avoir vraiment une prise en charge multidisciplinaire de ces pathologies. La pathologie principale est la drépanocytose, nous prenons à peu près en charge 120 patient dans notre filière active. 

Marie-France : Je suis l'infirmière ressource douleur sur l'hôpital Clocheville. Nous avions la consultation douleur depuis 2017 avec un temps dédié médecins et infirmières. Depuis deux ans, l’ARS nous a permis de créer une unité douleur pédiatrique au sein de Clocheville. Cela nous a donné la possibilité de faire des consultations de prise en charge dans le cadre de la douleur chronique. 

Je travaille avec un médecin algologue qui est aussi rhumatologue et un psychologue. Nous prenons en charge individuelle ou en groupe des enfants âgés de 0 à 18-19 ans. 

Jill : La drépanocytose est une maladie rare, génétique. Elle est plus précisément à transmission autosomique récessive qui va toucher aussi bien le garçon que la fille. La prévalence est très variable en fonction des régions parce que ça va essentiellement toucher les patients qui ont une origine africaine ou antillaise. Sur le plan de la physiopathologie, c'est une anomalie de fabrication de l’hémoglobine. Le globule rouge va être fabriqué avec des anomalies. Il aura des propriétés physico-chimiques qui vont être différentes d’un individu sain. 

Les principaux signes, notamment en pédiatrie, vont être l'anémie, les complications neurovasculaires, infectieuses et douloureuses avec la crise vasoocclusive. 

Ce qui est très compliqué dans la drépanocytose, c’est qu’il existe une grande hétérogénéité inter-individuelle et aussi intra-individuelle. Les symptômes arrivent de manière très brutale et ne sont pas prévisibles. 

L'objectif de la prise en charge:

  • détecter ces complications,
  • maintenir un bon état de santé
  • veiller sur leur qualité de vie pour essayer de limiter l'impact de cette maladie dans leur quotidien. 

Jill : La crise vasoocclusive, c'est vraiment la complication aiguë, notamment en pédiatrie. Cela va se manifester brutalement par une douleur très aiguë au niveau des os, des articulations, du ventre. Elle peut changer de place en fonction des crises, selon les patients et elle est très variable. 

Il existe des facteurs favorisants, mais on ne les retrouve pas de manière systématique. Notre rôle va être d'une part éviter que ces crises vasoocclusives arrivent et d'autres part lorsqu’elles sont présentes, que le patient soit le plus autonome possible dans la gestion de cette douleur que ce soit au domicile ou à l'hôpital. 

Il faut savoir que ces douleurs chez certains patients peuvent être très fréquentes. Les crises peuvent être répétitives. Cela va impacter leur qualité de vie avec des enfants qui vont avoir un absentéisme scolaire, une anxiété, une véritable altération de la qualité de vie. Il est donc fondamental de pouvoir prendre en charge correctement cette douleur. 

Marie-France : Lors des CVO ou crises vasoocclusives, ces enfants-là sont régulièrement hospitalisés. 

J'ai travaillé auparavant en consultation douleur adulte. J'avais toute une expérience sur la TENS et les résultats que cela pouvait apporter. On n'avait pas forcément de retours ou d'expérience chez l'enfant. Mais quand je suis arrivé en 2023 sur la création de cette unité douleur pédiatrique, on a vraiment essayé de mettre en place un maximum de solution. À la fois de sensibiliser et de former le personnel des urgences, puisque nous avons la chance d'avoir aussi un temps dédié de prise en charge de la douleur avec un médecin aux urgences. Elle aussi a fait la formation et du coup, c'était intéressant de pouvoir l’avoir avec nous. On s'est dit pourquoi pas aider ces enfants-là en mettant en place un appareil d’électrostimulation. 

Et puis très rapidement, on s’est rendu compte que cela avait un impact réel sur l’amélioration, sur le confort. C'est bien évidemment insuffisant, mais ça permetd'être un complément très confortable pour eux. Du coup on s’est dit, "il y a cet appareil aux urgences pourquoi ne pas le généraliser". Donc les enfants repartaient dans les services avec les appareils. 

C'est à ce moment-là que la collaboration avec Jill qui prend en charge ses patients a commencé pour généraliser l'utilisation de la TENS. 

Donc pour les patients qui arrivent aux urgences, on les équipe avec un appareil d’électrostimulation. Pour les patients de Jill, une fois sa consultation terminée, elle nous les envoie en consultation chroniques. On fait la prescription, puisque l’appareil d’électrostimulation doit être prescrit par un médecin algologue qui est donc le médecin de mon unité. 

Actuellement, nous avons entre 10 et 15 patients. Ils sont équipés de l’appareil d’électrostimulation dans le cas de la drépanocytose. Nous avons les patients de Jill qu'elle connaît, et aussi toute la région. Parfois, les enfants arrivent d'autres centres et sont hospitalisés chez nous. Ils repartent avec l’appareil d’électrostimulation qu'on a pu mettre en place lors de leur hospitalisation. 

Marie-France : Oui, c'est assez récent. Nous avons mis un accent en mettant en place des formations pour tous les correspondants douleurs. Puis aussi pour tous les personnels des services (c'est en cours). 

On a déjà fait deux actions de formation où on a formé plus de 50 personnes. La formation est sur l'utilisation de la TENS pour permettre la mise en place dans les différents services. Désormais les patients qui passent par les urgences repartent avec l’appareil. Jusqu'à présent les personnels en postent n'étaient pas formés. Donc on a vraiment mis l’accent là-dessus. Ce n’est encore pas suffisant, mais on s'améliore de plus en plus. Il y a de véritables résultats et des retours positifs. 

C'est assez nouveau mais on va vraiment insister là-dessus. On a vraiment des retours positifs, à la fois par le personnel, par les familles et par les enfants. 

Marie-France : Oui, c'était un peu ce qui m'a posé souci quand je suis arrivée en pédiatrie, puisqu’il n'existe pas d'outils pour leur présenter cet appareil. Je leur présente d'ailleurs comme leur futur meilleur ami. 

Donc je me suis dit, il me faut quelque chose donc j'ai créé un livré personnalisé pour l'enfant qui expliquait ce qu'est la douleur, les différents mécanismes et les composants de la douleur qui sont également expliqués lors d'une consultation avec un médecin algologue, ou quand on les prend en charge pour la prescription de la TENS. Et puis reprenant un petit peu les mécanismes, ce qu’était la douleur chronique, la douleur aiguë, comment la TENS pourrait les aider au quotidien. 

Ce livret, ça a un petit peu fait résonance : ils me font des retours là-dessus, je l'améliore toujours et du coup on a créé un groupe de travail national pour faire un livret qui serait peut-être uniformisé avec un groupe par la SFETD « La société française d’étude et de traitement de la douleur. ». 

Donc nous sommes plusieurs infirmières ressources douleurs à travailler sur un support que l'on crée de façon nationale. 

Jill : On a un recul qui n'est que de 1 an, pour l'instant, et qui va surtout concerner finalement, comme Marie-France l’a dit, la prise en charge vraiment en aiguë et au tout début de la crise vasoocclusive, lorsque le patient arrive aux urgences. C'est vraiment un moment clé cette arrivée aux urgences où il y a un mélange de douleur, d’anxiété  et de peur. 

On a un bon retour de la part des patients, notamment le fait que ce ne soit pas un médicament, il n'y a pas le problème de réussir à l’avaler. Il n'y a pas d’effet secondaire. Et c'est vraiment novateur. Je dis souvent qu'il n'y a pas de formule magique dans la prise en charge de la drépanocytose, c'est un peu le mille-feuille. C’est-à-dire que l’on va empiler les différentes solutions, médicamenteuses et non médicamenteuses. Et en fonction du patient, on va réussir à trouver un bon équilibre entre toutes ces techniques. 

Ce qui nous reste encore à voir, mais il nous manque du temps, c'est vraiment l'usage à domicile. Est-ce que ça va diminuer le nombre de passages aux urgences, est-ce que ça va aussi agir sur les douleurs chroniques que nos patients peuvent développer ? Il nous faut encore quelques mois d'expérience pour pouvoir répondre à ces questions. 

Marie-France : L'intérêt en fait, que l’on nous a présenté et que je mets en avant, c'est que c'est non médicamenteux. Chez ces enfants qui ont déjà un traitement qui est plutôt lourd pour être clair, ça ne leur convient pas forcément au quotidien et parfois, ils n'ont pas envie de les prendre. 

Et là, le fait de leur donner un objet où ils sont eux-mêmes autonomes, acteurs, ils peuvent le mettre à plusieurs endroits au niveau du corps, quand ils ont envie, il n'y a pas de contre-indication. Ils sont investis, ils l'expérimentent, ou pas, ils ont la possibilité de le faire et ça, déjà, c'est un gain pour eux. 

Ils savent qu'ils peuvent tester différents modes. Il y en a deux, un qui fait comme si on avait un massage en permanence qui est le « Gâte control » et un mode « endorphinique » où l’on va sécréter ses propres endorphines. 

Je leur donne une gradation dans l'utilisation. Je les rends responsable de leur utilisation. Et ça, c'est plutôt quelque chose qui leur convient. Le fait de pouvoir le mettre aussi à différents endroits et de soulager plusieurs types de douleur et pas forcément les CVO. 

Les petits retours, c'est quand même que ça les aide, c'est plutôt quelque chose de positif. 

Marie-France : Cela n'est pas invasif pour eux, c'est plutôt confortable, ils peuvent l'emmener partout aussi. Ils le customisent parfois, c'est plutôt chouette. C'est aussi un dispositif qui est remboursé, il faut le savoir. On est sur de la location au départ et ensuite de l'achat. Et ça, c'est quelque chose de positif pour les parents. 

Après, il y a ceux qui vont s'approprier et le customiser et oser le montrer, avec des petits sacs à main dans lequel ils vont tricoter pour montrer qu'ils ont un bel appareil. Et puis il y en a d’autres qui vont dire, "Ouais, j'ai pas envie de le montrer. Je suis déjà porteur d'une maladie chronique… » 

Donc, peut-être que s’il y avait un outil sans fil, ou peut-être quelque chose d’encore plus discret, ce serait encore un plus. 

Pour le moment, c'est plutôt quelque chose qui est plutôt bien reçue. Ce qui peut être limitant pour moi, c'est que c'est une prescription par les médecins algologues, pour la prise en charge et le remboursement. Ce qui fait qu'on a des délais qui commencent à être important aussi, parce que les médecins algologues il n’y en a pas tant que ça. 

Jill : On a vraiment besoin d'une démocratisation de la prescription. 

On l’utilise le plus en plus en pédiatrie mais va se poser la question lorsqu'on va faire la transition de ces patients dans le secteur adultes, il va falloir aussi que l’on forme aussi nos collègues adultes, parce qu'il ne faut pas que cette prescription s'arrête surtout dans cette phase de transition qui est un moment clé dans les maladies chroniques. 

Cela, peut être limitant, ce problème de prescription. L'autre limite, c'est l’absence de recommandation. 

Nous avons, enfin, depuis 2024, une actualisation de la prise en charge chez l'enfant de la drépanocytose avec le dernier PNDS, qui fait 200 pages. Il n'y a pas du tout de mention de la TENS, j'ai appris cela grâce à l'équipe douleur, qui m'ont fait découvrir cet outil, mais on a besoin aussi de former l'ensemble des médecins. 

 Merci beaucoup, mesdames, merci pour les pistes d'améliorations. 

 Et pour votre retour d'expérience terrain qui est très concrète et très précieuse. 

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Retrouvez celui sur la PRISE EN CHARGE DES DOULEURS CHEZ LE PATIENT ATTEINT DE CANCER ici


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