La lésion du ligament croisé antérieur (LCA) représente un des accidents sportifs les plus fréquent.

Le ski, le football ou le rugby font partie de ces sports à risque. Mais la rupture du LCA n’arrive pas qu’aux sportifs, elle touche aussi les sédentaires dans leurs activités quotidiennes. Quel que soit le mécanisme, le diagnostic devra être clairement posé afin de déterminer le traitement à suivre. Malheureusement, dans bien des cas, le diagnostic est tardif occasionnant des lésions irréversibles. Concernant l’imagerie, la radiographie est systématique pour écarter toutes lésions osseuses. L’IRM quant à elle, n’est pas obligatoire si le bilan clinique est clair (test de Lachman positif).

Le traitement sera différent selon l’âge et le niveau sportif du blessé. L’intervention chirurgicale (ligamentoplastie) sera réservée plutôt aux personnes jeunes et sportives.

Intégrée dans la rééducation, l’électrostimulation musculaire (ESNM) de la cuisse opérée améliorera la trophicité et la force. Elle sera un atout déterminant dans la stabilité ultérieure du genou.

 

ANATOMIE FONCTIONNELLE

L’articulation du genou est constituée de 3 os : l’extrémité inférieure du fémur, la partie supérieure du tibia et la patella. Cette liaison osseuse entre les condyles fémoraux et le plateau tibial est peu congruente ce qui génère une instabilité mécanique. Pour y remédier, le genou dispose d’un puissant complexe ligamentaire et de deux ménisques médial et latéral dont leur rôle est d’améliorer la stabilité en agissant comme amortisseurs et répartiteurs de pression.

Les 4 ligaments se divisent en 2 groupes: les ligaments latéraux (LLI et LLE) et le pivot central composé par les 2 ligaments croisés antérieur et postérieur (LCP).

  • Le LCA a pour origine la partie antérieure du plateau tibial et se dirige en haut et latéralement pour se terminer sur la partie postérieure de la face axiale du condyle latéral.
  • Le LCP part de la partie postérieure du plateau tibial se dirige vers le haut et l’interne pour se terminer sur la partie antérieure de la face axiale du condyle médial.
  • Le LLE a pour origine la face latérale du condyle latéral et se termine sur la tête de la fibula.
  • Le LLI a pour origine la face médiale du condyle médial, se dirige en bas et se termine sur la métaphyse interne supérieure du tibia.

Dans ce rappel anatomique, ne pas oublier l’appareil extenseur composé de la patella et de ces deux tendons quadricipital et patellaire. La position antérieure de la patella permet d’augmenter le bras de levier de cet appareil extenseur et de faciliter le travail du quadriceps muscle très important dans la rééducation.

A noter que l’articulation entre la tête de la fibula et l’extrémité supérieure du tibia n’est pas considérée comme faisant partie du genou.

Planche anatomique Genou DJO

 

PHYSIOPATHOLOGIE

Ce qui nous intéresse dans cet article, c’est la lésion du LCA.

On retrouve plusieurs mécanismes lésionnels dans la traumatologie ligamentaire du LCA dont le classique mouvement forcé en valgus, flexion et rotation externe (ski). La rotation interne proche de l’extension, lors d’une mauvaise réception (volley) est à l’origine souvent de rupture isolée du LCA. L’hyperextension (shoot sans ballon) peut également entraîner la déchirure de ce ligament.

Dans la classification, l’entorse d’un des ligaments du pivot central est grave, elle peut être isolée ou non.

Dans ce dernier cas, on parle de :

  • Triade antéro-interne associée au LLI et lésion du ménisque médial
  • Triade antéro-externe associée au LLE et lésion du ménisque latéral
  • Pentade quand elle est associée au LCP.

Skieur DJOLIGAMENTOPLASTIE

Il existe deux techniques d’intervention chirurgicale, le KENNETH JONES et le DIDT.

  1. La technique de Kenneth Jones utilise le prélèvement du 1/3 médian du tendon patellaire et une pastille osseuse tibiale.
  2. Le DIDT prélève les tendons du droit interne et du semi-tendineux, chacun des tendons est replié en deux.

L’opération est peu invasive car elle se fait sous-arthroscopie pour les deux techniques après préparation du transplant.

L’hospitalisation se fait de plus en plus en ambulatoire avec un appui autorisé à 3 jours sous couvert d’une attelle de genou post-opératoire et de cannes anglaises. La rééducation débutera dès la sortie de clinique.

PROTOCOLE ÉLECTROSTIMULATION

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est d’intégrer un programme de d’ElectroStimulation Neuro-Musculaire (ESNM) au cours des différentes phases de rééducation qui suivent l’intervention chirurgicale. Il convient de préciser que ce protocole ne peut se substituer aux techniques de kinésithérapie à visées antalgiques, articulaires et musculaires. Nous utiliserons un appareil Chattanooga® doté du programme LCA que nous expliquerons plus loin.

Semaines 1-2 Un des objectifs en post-opératoire immédiat, c’est de récupérer les amplitudes articulaires en particulier l’extension, ce qui évitera la complication fibreuse au pied du transplant qui est souvent la cause d’une perte d’amplitude dans les semaines qui suivent l’opération.  (Syndrome du cyclope).Le patient en position semi-assise, coussin sous genou proche de l’extension pourra travailler en volontaire associé à une stimulation du quadriceps (J+5).  On utilisera le programme lésion musculaire qui présente une pente d’installation douce de la contraction ce qui évitera toute agression musculaire et tendineuse. Le but sera d’accompagner le patient dans sa récupération d’amplitude, levé de sidération si nécessaire, amélioration de la trophicité musculaire, les intensités seront modérées, on respectera la règle de la non-douleur. Cette stimulation douce et précoce familiarisera le patient avec l’ESNM.

Le montage sera classique pour le Q, c’est-à-dire une électrode positive sur le point moteur du vaste médial, une électrode positive sur le point moteur du vaste latéral et une grande électrode sur la partie 1/3 sup du quadriceps pour y fixer les deux électrodes négatives. Ce traitement est quotidien et s’intègre dans la séance de kiné.

Semaines 3-4 C'est le retour progressif de l’appui sans cannes et la période d’ablation de l’attelle. Le but de cette phase est d’obtenir le verrouillage complet du genou, de débuter le travail proprioceptif en chaine fermée en respectant les règles d’usage et de commencer le travail musculaire en co-contraction Quadriceps (Q) et Ischios-Jambiers (IJB). La récupération des amplitudes articulaires se poursuit.

Nous allons pouvoir au sein de la rééducation intégrer le programme d’ESNM LCA dont sa particularité est de travailler les IJB et le Q en co-contraction. Le cycle démarre par la contraction des IJB puis 2’’ après arrive la contraction du Q. Ce décalage permet le maintien tibial et évite le tiroir antérieur. Autre sécurité, on ne peut monter les intensités du Q seul. La fréquence de stimulation étant de 40Hz, on cible plutôt la fibre lente.

Les séances pourront être faites quotidiennement. Afin de familiariser le patient à l’électrostimulation, les 1ères séances sont faites en position assise pieds à plat au sol, le degré de flexion variable en fonction de la récupération. Ces séances pourront être effectuées en marge de séances de rééducation. Simple travail électro-induit pour commencer, apprentissage du rythme des cycles et de l’utilisation de la machine. Obtenir une augmentation progressive des intensités mais toujours garder à l’esprit qu’il ne faut pas enfreindre les règles de la "ligamentisation" du greffon.

Le montage sera décrit plus loin.

Semaines 5-6 A ce stade, le patient a déjà un appui total, le travail en chaîne fermée debout couplé avec l’ESNM peut commencer mais dépendant de la récupération articulaire de la flexion. Le travail symétrique en bipodal n’engendre pas assez de contrainte pour risquer la rupture du greffon. L’ancrage est solide.
On peut clairement envisager l’exercice de mini-squat associé à l’appareil CHATTANOOGA®. Le travail surimposé (travail volontaire associé) permet un recrutement spatial plus important, une amélioration de la commande nerveuse, un gain de force supplémentaire (Colson 2000) ainsi qu’une amélioration du confort du patient.Exemple de travail: on demande au patient debout de maintenir une flexion à 30° pendant le cycle de contraction. De répéter cet exercice plusieurs fois mais en tenant compte au début de la fatigue et aussi de la douleur.  Il semble inutile de vouloir faire un programme dans sa totalité au départ, l’alternance avec la position assise est conseillée. Le but :  donner confiance au patient afin par la suite d’augmenter les intensités et de développer une charge de travail plus importante. Le programme sera fait quotidiennement.Exemple d’exercice : tenir la flexion 30° sur une contraction, 5 fois de suite puis s’asseoir laisser passer 5 contractions puis reprendre l’exercice. Le nombre des répétitions dépend de la fatigabilité du patient.

Semaines 7 au 

4ème
mois

C’est le début de la reprise d’activités douces comme le vélo sans résistance.
A ce stade, on peut travailler en position debout sur des amplitudes plus importantes. Le travail unipodal est permis. L’objectif étant d’augmenter fortement les intensités afin de recruter un maximum de fibres musculaires. On utilise toujours le programme LCA dans le début de période.Exemple d’exercice : Passage de la position assise à debout puis retour assis pendant la phase de contraction. Ce travail combinant concentrique et excentrique améliore indéniablement les qualités motrices des muscles.
Faire des séries de 5 assis-debout-assis puis s’asseoir laisser passer 5 contractions et reprendre. Augmenter à ce stade les séries et les répétitions au fur et à mesure. Ceci est fonction du patient (âge, sport, etc.) et de sa motivation.Le travail de proprioception durant cette période devient primordial, on peut ajouter à l’exercice précédent un appui sur plateau. Le patient essaie de tenir la position pendant les stimulations électro-induites.
A partir de 2 mois, les séances de kiné sont de plus en plus fonctionnelles et dynamiques : déplacements latéraux, trampoline. L’électrostimulateur Chattanooga® fait partie intégrante de la rééducation, on peut abandonner le programme LCA et débuter le travail de renforcement dont les fréquences de stimulation (65 Hz) cibleront la fibre rapide (fibre de force). A ce stade le patient a besoin de reprendre de la force afin d’envisager sa reprise sportive sereinement. On travaille toujours en chaine fermée. Le montage sera sur le quadriceps seul.Exemple d’exercice: en appui unipodal, travail excentrique du Q puis debout en phase de repos. La répétition de séries sera fonction du patient, de sa fatigabilité et sa capacité physique à l’effort.Il est conseillé de poursuivre les séances d’ESNM au moins 3 fois par semaine.A partir de 4 mois :
Le tendon retrouve sa résistance, c’est le début de la phase de réathlétisation. Le footing est permis. En fonction du sport pratiqué, on pourra commencer les programmes sport en alternance avec la reprise de l’entrainement (endurance, résistance). L’appareil Chattanooga® pourra accompagner le patient jusqu’à son retour sur le terrain (compétition).L’ESNM n’a d’intérêt que si elle est pratiquée régulièrement au moins deux fois par semaine.

 

RÈGLES PRATIQUES

Placement des électrodes programme LCA

Positionner une petite électrode sur chaque point moteur des deux vastes.

Positionner une grande électrode au niveau du 1/3 supérieur face antérieure de la cuisse.

Faire de même pour les ischio-jambiers.

Positionnement Electrodes 1Positionnement Electrodes 2

Positionnement des pods Chattanooga

ATTENTION : le branchement des canaux doit se faire obligatoirement ainsi, les canaux 1 et 2 sur les ischios et les canaux 3 et 4 sur le Q.

POURQUOI ? Afin de respecter la fragilité du greffon et d’éviter le tiroir antérieur, les canaux 1 et 2 se contractent 2’’ avant les canaux 3 et 4. Pour le wireless, il faut allumer les pods des ischios en premier.

Positionnement des pods Chattanooga 2

 

Réglage des intensités

Le but est de monter les intensités au maximum supportable afin de recruter un nombre plus important de fibres musculaires.

Restez prudents et progressifs au départ pour familiariser le patient.

Un phénomène d’accoutumance s’installe au fil des séances qui permettra d’augmenter plus rapidement par la suite.

 

Position du patient

Décrite dans le protocole précédent. Assise ou debout selon la phase.

WL Pro - travail proprio programme LCA 1     WL Pro - travail proprio programme LCA 2

 

PLUS LOIN AVEC CHATTANOOGA

INTÉGRATION DE LA TECHNOLOGIE MUSCLE INTELLIGENCE™

Cette technologie permet de prendre en compte les spécificités de chacun des muscles et d’offrir ainsi une stimulation adaptée à leurs caractéristiques.

Cette adaptation, faite à chaque séance, améliore nettement le confort de stimulation et ainsi l’efficacité thérapeutique des différents programmes.

Appareils filaires Utilisation du capteur Mi-sensor
Wireless Directement intégrée dans les modules
Mi-Scan Cette fonction analyse les caractéristiques d’excitabilité du muscle et permet l’ajustement de la largeur d’impulsion optimisant ainsi la stimulation. Elle débute chaque programme de renforcement musculaire.
Mi-Action C’est un mode de travail durant lequel une contraction volontaire déclenche une stimulation électrique engendrant une contraction électro-induite. Ce mode de fonctionnement requiert de bonnes qualités musculaires. Des muscles insuffisamment performants ou non relâchés peuvent contrarier le déclenchement de la contraction électro-induite.
Cette fonction présente l’avantage d’impliquer le patient activement et volontairement dans son traitement. Mais aussi de rendre la stimulation plus confortable, d’associer la commande motrice cérébrale à la stimulation électro-induite sollicitant ainsi un nombre accru de fibres musculaires. Cette association combinée va favoriser la restauration du schéma corporel et améliorer le contrôle neuro-musculaire.
Comment fonctionne Mi Action ? Après le montage des électrodes, le sélectionner dans les paramètres. La 1ère contraction est automatiquement électro-induite, obtenir de bonnes secousses dans la phase de repos suivant cette 1ère contraction est indispensable pour le bon déroulement de la séance. Un signal sonore continu vous avertira du moment idéal pour déclencher la contraction volontaire. Si aucune contraction volontaire n’est détectée l’appareil se met en mode pause.
ATTENTION, cette fonction ne peut être appliquée sur le programme LCA, il faudra donc attendre la mise en place du programme de renforcement pour pouvoir l’utiliser (voir protocole).

 

TECHNOLOGIE SANS FIL WIRELESS

La technologie sans fil présente l’avantage d’une télécommande à distance permettant un contrôle visuel et un champ d’observation plus important du patient. Les exercices dynamiques ne sont pas perturbés par la présence de fils risquant de débrancher les fiches ou de faire tomber l’appareil.

Elle présente d’autres atouts comme :

Touche Trigger On : il s’agît d’un mode de travail durant lequel la contraction par électrostimulation est déclenchée par l’utilisateur et s’arrête ensuite automatiquement à la fin de son temps défini par le programme.

Cette fonction est un atout majeur dans la rééducation active, proprioceptive, corrective. Le praticien décide du moment idéal pour lancer la contraction électro-induite. Travail de posture, travail du geste, travail d’équilibre, la synergie entre praticien et patient devient optimale. Dans la rééducation pour les suites d’une ligamentoplastie, cette fonction vous apportera une aide précieuse.

Signal de synchronisation : cette fonction sonore permet d’avertir l’utilisateur de l’arrivée d’une contraction. Elle trouve son intérêt dans le travail de l’anticipation et rend également plus confortable la stimulation en préparant mentalement le patient.

 

TRAITEMENTS ASSOCIES

  • Lutte contre l’œdème : protocole RICE post-opératoire immédiat
  • Mobilisations passives : gain d’amplitude
  • Techniques de kinésithérapie fonctionnelle classique et adjuvents
  • TENS en cas de douleur pendant ou après séances

Découvrez en vidéo comment traiter une ligamentoplastie du LCA avec l'électrothérapie:

Vidéo Electrothérapie Chattanooga - Atelier pratique sur une ligamentoplastie du LCA

La douleur est un signe qu’il ne faut pas négliger. Si cette dernière est prononcée et/ou perdure trop longtemps, il est conseillé de consulter un médecin.

 

Auteur: Thierry SERENARI, Kinésithérapeute du Sport (Versailles) - Kinésithérapeute référent de la Fédération Française d’Escalade