La Thérapie Laser, qui existe depuis plus de 30 ans dans les cabinets a su évoluer et devenir un traitement qui a toute sa place dans l'arsenal thérapeutique du kinésithérapeute. Elle n'est pas qu'un adjuvant de techniques kinésithérapiques, mais aussi un outil qui permet soit de traiter quand la pathologie est trop aiguë, soit de compléter les autres traitements manuels ou mécaniques déjà utilisés. Cet article apporte les fondamentaux qui permettent de comprendre les mécanismes d'action du laser et son utilisation.

 

UN PEU D'HISTOIRE...

Apparue en kinésithérapie dans les années 1980, elle ne rencontre que peu de succès car nous sommes alors avec des appareils Low Levet Laser Therapy (LLLT) dont les puissances sont inférieures à 500 mW. Il faut alors un temps de traitement important pouvant occasionner des brûlures, et la faible pénétration tissulaire ne donne des résultats probants que sur des pathologies très superficielles. Dans les années 2000, la High Power Laser Therapy (HPLT, puissance de 5 à 35 W) rentre sur le marché et de nouvelles applications sont développées pour les kinésithérapeutes. Les fabricants commencent alors à faire évoluer ce type de matériel avec 2 contraintes principales : la fibre laser, qui est un élément fragile, et le refroidissement de la source du laser, nécessaire au bon fonctionnement du faisceau. Arrivée à maturité, il y a une dizaine d'années, les indications n'ont cessé de s'élargir sous l'impulsion de nombreuses recherches scientifiques.

LES PARAMETRES DU LASER

Avant de parler d'utilisation, de protocole ou de bienfait thérapeutique, il convient de faire le point sur cette technologie.

Définition 

Le laser est une lumière monochromatique, cohérente, directionnelle et de haute intensité lumineuse. La réaction physico-chimique sur les différents tissus peut se résumer sur le schéma (Fig.1).

Paramètre du faisceau 

Le faisceau du laser se caractérise par la longueur d'onde, paramètre important, qui détermine l'absorption et la pénétration dans les tissus (Fig.2). Nous savons aussi qu'en fonction de la longueur d'onde émise, les effets de la thérapie sont différents (exemple : le pic d'absorption pour la mélanine et l'hémoglobine se trouve dans des longueurs d'onde inférieures à 600 nm.) La deuxième caractéristique est la puissance délivrée par l'appareil, correspondant au flux de photons délivrés.

(Fig.1)

 

(Fig.2 : Pénétration des différentes longueurs d'ondes dans les tissus)

Énergie totale fournie 

L'importance dans un traitement au laser est la densité d'énergie fournie au niveau du tissu. Elle se calcule en fonction de la puissance, du temps de traitement et de la surface traitée.

La fenêtre thérapeutique 

Il est nécessaire de fournir le dosage thérapeutique optimal au tissu ciblé. Il existe une "fenêtre de dose thérapeutique" : de trop petites doses produisent un effet nul ou faible, tandis que des doses trop élevées peuvent avoir un effet nul ou faible, tandis que des doses trop élevées peuvent avoir un effet inhibiteur.

 

LES MODES D'ACTION

Ils sont divisés en plusieurs domaines qui se recoupent entre eux : l'action cellulaire, antalgique, anti-inflammatoire, anti-œdémateuse, cicatrisante et neuromusculaire.

L'action cellulaire

Par augmentation du métabolisme cellulaire stimulant l'utilisation de l'oxygène.

L'action antalgique

Par libération d’endorphines [1] et action sur le gate control, via les neurones Aσ qui inhibent la transmission douloureuse au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière [2]. D’autres processus sont aussi mis en jeu (vitesse de conduction [3], potentiel d’action…).

L'action anti-inflammatoire 

Par réduction du niveau de protéines inflammatoires et cellules polynucléaires au niveau de la zone inflammatoire [4], par stimulation de l’activité de phagocytose des neutrophiles et des macrophages, par réduction de la concentration de cytokines pro-inflammatoires (IL-1 et IL-6).

L’action anti-œdémateuse 

Par augmentation de la micro-circulation sanguine [5]. Lorsque l’eau absorbe de la lumière laser, sa température augmente, ce qui stimule la circulation et la vascularisation.

L’action cicatrisante 

Par formation accrue d’ATP, ce qui augmente le métabolisme cellulaire et facilite la régénération et la cicatrisation tissulaires [6].

L’action neuromusculaire 

Par augmentation de la production d’ATP, les échanges de calcium (CA2+) se font mieux et le muscle se décontracte (Fig. 3).

(Fig. 3 : Effet du laser thermique)

 

LES AVANTAGES DU LASER

En quelques lignes, il est facile de résumer l’apport de ce type de traitement dans les différentes pathologies traitées au cabinet : un spectre d’utilisation large, indolore, efficace en profondeur sur des pathologies récalcitrantes.
Ces indications permettent d’envisager et classer le traitement sous 3 aspects :

  • Lors d’une séance de kinésithérapie, en adjuvant ;
  • Seul sur des pathologies très aiguës ;
  • En complément d’un traitement d’ostéopathie avant ou après la séance.

 

LES INDICATIONS

Communes

Elles sont multiples car le laser permet de traiter un état tissulaire. En effet, il va être appliqué sur des inflammations, des œdèmes, des douleurs musculaires.

Spécifiques

Certaines pathologies réagissent très positivement à l’application du laser et beaucoup d’études nous le prouvent : réduction des douleurs de gonarthrose [7], les chondropathies par augmentation du métabolisme au niveau du cartilage, etc.

 

PROTOCOLE D'UTILISATION

Les 3 phases du traitement

L’utilisation du laser demande un protocole spécifique, permettant de traiter toutes les composantes des pathologies (antalgique, anti-inflammatoire, cicatrisante).
La séance débute par une action, à distance, au niveau de la racine nerveuse du métamère concerné. Dans le cas d’une périostite tibiale par exemple, nous traiterons les racines L3-L4-L5-S1.
La deuxième phase est souvent loco dolenti. Dans notre exemple précédent, il est important de balayer toute la zone douloureuse, précédemment identifiée. Enfin, dans un troisième temps, nous reporterons l’action sur les trigger points de la zone ciblée. Certains protocoles vous amèneront à inverser les phases 2 et 3.

Les précautions à prendre

Les modalités de prise en charge d’un patient en laser requièrent quelques fondamentaux afin de ne pas le mettre en danger, ni le thérapeute.

Equipement

Il est indispensable de :

  • porter des lunettes de protection (kinésithérapeute et patient)
  • ne jamais regarder directement à l’intérieur de la sonde en émission
  • faire attention aux objets réfléchissants à proximité de la zone de traitement
Appareil

Concernant l’appareil, prenez soin de toujours adapter la puissance, le mode d’émission, l’énergie apportée, la pathologie (aiguë ou chronique) et son stade lésionnel.

 

Patient

Pour le patient, on se doit de tenir compte de son âge (pour l’hydratation des tissus) et de son type de peau (clair ou foncé et quantité de mélanine). Il faut aussi évaluer sa sensibilité thermique et nerveuse. Par prudence, évitez les altérations dermatologiques (grains de beauté ou nevus, lipome, brûlures, coups de soleil) et tatouages en fonction de la couleur (noir et rouge : pénétration tissulaire augmentée).

 

L'application

Après réglage de l’appareil en fonction des pro-grammes pré-enregistrés ou de votre propre protocole, l’application se fera toujours sous 2 formes de balayage :

  • Circulaire : on part du point le plus sensible pour former une spirale de 2 à 3 cm autour de ce point. Modalité surtout destinée aux trigger points ou points douloureux précis,
  • “Grid scaning” ou quadrillage (application croisée) pour la zone douloureuse, inflammatoire ou œdématiée large. Cette technique permet principalement une vascularisation accrue et un effet anti-inflammatoire par biostimulation (stimulation du métabolisme cellulaire). Pendant cette phase, vous avez la possibilité d’associer de la mobilisation.

Les modes d'application

Les différents modes d’application comportent chacun des effets spécifiques. On peut citer les principaux : le mode continu (quand on recherche surtout un effet thermique, donc en phase chronique ou sur des contractures), pulsé (biostimulation en phase aiguë) ou unique (sur les points d’acupuncture), burst (à la racine nerveuse), anti-inflammatoire et enfin un mode spécifique au traitement laser, stochastique (antalgique et trigger points).

Durées et temps d'application

Le temps d’application dépend de la densité d’énergie que l’on veut délivrer sur la zone (voir les protocoles spécifiques). La quantité de lumière four-nie au tissu va donc être un calcul entre la puissance délivrée et la surface d’application. Lorsque la quantité d’énergie est concentrée sur une petite surface, la densité d’énergie est supérieure à ce qu’elle serait avec la même quantité d’énergie sur une plus grande surface.

Les dosages

Les recommandations actuellement admises sont les suivantes : voir Fig. 4.

(Fig. 4 : dosages thérapeutiques)

Les contre-indications

Elles sont importantes à connaître car jamais sans conséquence si on passe outre. En dehors des contre-indications “classiques” (processus tumoral, grossesse, sphère cardiaque, épilepsie), d’autres sont plus “particulières” (zones cutanées photo-sensibles ou infectées, troubles thrombo-emboliques ou hémorragiques, troubles d’hypo- ou d’anesthésie cutanée, territoires nerveux sympathiques et parasympathiques, glande thyroïde).
Enfin même si cela n’est pas une contre-indication, on apportera une attention toute particulière aux jeunes patients (pas de traitement sur la zone de cartilage de croissance) et aux personnes âgées (peau plus fine, baisse de la vascularisation et tissus moins hydratés) pour lesquels le dosage sera plus faible.

 

LES APPLICATIONS

Application sur des pathologies aiguës

Face à des pathologies aiguës où massages et mobilisations sont contre-indiqués et où les seuls outils thérapeutiques sont l’électrothérapie, voire le repos, l’apport du laser est indéniablement une stratégie payante. Vous allez pouvoir diminuer l’inflammation [8]. Les séances se devront d’être rapprochées de 3 à 5 dans la première semaine, puis mixées avec un protocole classique de kinésithérapie.

Application lors des séances de kinésithérapie

Grâce à son spectre d’action, le laser se mixe parfaite-ment avec la rééducation. Il peut être utilisé soit avant une séance de kiné, soit pendant ou après en fonction de l’action principale souhaitée.
Avant la séance, il permet de faire baisser l’œdème en ayant une action sur la dilatation des vaisseaux lymphatiques avec évacuation des protéines. Il sera alors beaucoup plus facile d’établir un bilan ponctuel ou de faire des mobilisations.
Pendant la séance, l’utilisation du laser sous sa forme antalgique est parfois le petit plus qui fait passer une barrière psychologique dans l’utilisation de son articulation par le patient. En fin de séance, par exemple sur une tendinopathie d’Achille après avoir effectué un travail excentrique, le laser apporte des bénéfices supplémentaires [9].

Application en ostéopathie

L’application laser en ostéopathie permet de voir le patient non plus sous un angle global mais d’apporter une aide locale parfois très utile. Prenons simple-ment 2 cas pour expliquer la démarche :

  • Le premier est un patient qui arrive au cabinet en position antalgique et avec une importante contracture, soit sur la zone douloureuse, soit à distance par compensation. Il sera alors très utile de travailler avec le laser (mode continu) afin de libérer la zone et pouvoir mobiliser avec beaucoup moins d’artefacts. Bien sûr, la modification tissulaire énergétique due au laser sera à prendre en considération dans le traitement.
  • Le deuxième cas concerne une pathologie à forte composante inflammatoire. Après avoir traité le patient dans sa globalité, il est souvent opportun de faire du laser après la séance sur la zone concernée. Elle permettra une baisse rapide de l’œdème et relancera les processus de cicatrisation.

Couplage

Il est fort intéressant de combiner cette technologie avec d’autres adjuvants afin de potentialiser les effets recherchés. Après des ondes de choc, l’action sera principalement défibrosante. Si on utilise la tecarthérapie, il sera intéressant d’augmenter  la vascularisation [10].

 

CONCLUSION

Grâce à l’évolution de la technologie laser (HPLT), les cibles de traitement sont devenues plus variées. Outil thérapeutique utilisé en première intention ou en complément de traitements, le laser bien maîtrisé, donc un thérapeute bien formé, permet d’optimiser les résultats de nombreux actes.

La douleur est un signe qu’il ne faut pas négliger. Si cette dernière est prononcée et/ou perdure trop longtemps, il est conseillé de consulter un médecin.

Auteur: Bernard BONTHOUX, Ostéopathe DO, consultant Chattanooga - DJO – MKDE

Bibliographie

[1] Laasko et al., 1994 ; Hagiwara, 2008.
[2] Azizi et al., 2007 ; Laasko, 2008 ; Poitte, 2013.
[3] Cambier et al., 2000.
[4] Boschi et al., 2008 ; Cressoni et al., 2008 ; Ma et al., 2012 ; Pallotta et al., 2012.
[5] Karu T. The lectures on basic science of laser phototherapy, Prima Books AB Grangesberg, Sweden 2007.
[6] Peplow PV and al. – 2011.
[7] Anna Angelova and Elena M. Ilieva, Hindawi Publishing Corporation, 2016.
[8] Rodney Capp Pallotta and Al., Lasers Med Sci, 2012.
[9] Steve Tumilty, Ramikrishnan Mani, George D. Baxter - Laser in Medical Science, 2016.
[10] Tri-length laser therapy associated to tecar therapy in the treatment of low-back pain in adults, Osti R, Pari C, Salvatori G, Massari L., Lasers Med Sci. 2015 Jan.